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Marie-France O'Leary
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Marie-France O'Leary
9 juin 2017

le pardon instantané

Il y a quelques jours, je rencontrais une jeune dame qui élaborait sous mon regard ahuri une théorie du pardon:"les différents paliers du pardon  sont des couches à enlever de soi une à une."  Autrement dit avec une telle attitude, il ne peut y avoir de pardon et se justifient les rancunes, les ressentiments et l'impossibilité d'aimer.  Chacun y va de sa vengeance personnelle et nous enracinons les rôles de victime-bourreau dans notre propre inconscient et dans l'inconscient collectif avec une jouissance perverse du mal entretenu.  De mémoire, je cite une anecdote pour comprendre ce besoin du mal en chacun et sans doute sa nécessité:  il est onze heures du soir dans une ville de province.  Anita est désespérée, sa jeune soeur agonise et elle téléphone à sa meilleure amie, Lucette, dans la dite ville, lui demandant un rendez-vous, une présence dans cette ville d'où elle sort de l'hôpital.  Lucette ne peut répondre à cette demande, prétextant une immense fatigue et son enfant à garder.  Anita propose de se rendre chez Lucette mais cette dernière s'enferme dans son refus.  Anita est profondément troublée, choquée et pendant plusieurs semaines ne pourra pas parler à Lucette qu'elle croise dans leur lieu de travail.  Puis Anita sent cette situation absurde et invite Lucette à venir en parler.  Cette dernière ne peut pardonner à Anita de l'avoir ignoré ces temps passés.  Refuse toute communication: Lucette devient victime d'Anita qui de ce fait est provisoirement son bourreau attitré.  L'impossibilité de pardonner de suite relève d'un besoin de privilégier la souffrance infantile ou ancestrale et crée autour de son aura un barrage électrique sans doute protecteur mais percutant par ailleurs le mal de cette anecdote d'où le pardon est exclu dans ses multiples déplacements.  Or nous sommes reliés non seulement à notre environnement proche mais à la planète entière.  Dans ce mal à être, le mal à dire va creuser son sillon et enfouir les graines de la rancune et de l' impossibilité d' aimer.  L'Amour pardonne instantanément l'attitude dévastarice d'autrui car au-delà de la vibration rejetante, il y a d'autres énergies qui frappent à la porte de l'Etre et revendiquent  l'harmonie et non la guerre.  Mais pourquoi choisir la guerre dans la relation humaine et ne pas donner vie à la Vie."Aime ton prochain comme toi-même"...enfant je m'étais levée dans l'église de mon quartier en hurlant.."il n'y a pas d'amour ici",  ma mère me prenant par la main et me faisant sortir de l'église.  Qu'est l'Amour si ce n'est l'acceptation de soi et de l'autre dans les multiples énergies qui l'habitent, le secouent, le dévastent , le rongent,  l'équilibrent: aimer c'est te prendre dans mes bras ,qui que tu sois, te comprendre et  ne pas te condamner.  Juger, condamner sont les multiples formes de nos limites à ouvrir nos coeurs.  Je réfléchissais cette nuit: je n'ai jamais fermé ni ma porte, ni mon coeur.  Qui sont-ils autour de moi à construire des prisons, à vouloir rétablir la peine de mort, à ne pas savoir accueillir, à avoir peur, si peur d'aimer, à dire, je prie pour toi, je te pardonne mais à être incapable de te donner un verre d'eau si tu as soif, à ne prendre aucune nouvelle de toi si tu es à l'agonie ou si simplement tu as une jambe cassée, un bras fracturé,à ne pas savoir donner instantanément dans la rue de la terre, de notre patrie, de notre incarnation...à seize ans j'écrivais:"tant qu'il y aura une seule prison, un seul hôpital psychiatrique, une seule frontière, nous ne pouvons pas nous baptiser humains, l'homme n'est pas encore né...."Sortir de nos dogmes, de nos préjugés, croire en la fraternité, cela commence par chez soi, par le respect de soi et de l'autre. Autre anecdote: dans nos villages,une organisation humanitaire nous demande de donner pour la construction de nouveaux locaux; un homme, un humain appelé par cette association s'est déplacé, a passé du temps à faire les relevés du local acheté; les membres de l'association ne tiennent pas compte ni du déplacement de cet homme, ni de son temps à donner des conseils, ils ne le remercient pas, mais font appel à un bénévole :"cela ne nous coutera rien" , mais est-ce ainsi que doit s'opérer une relation, faire appel à l'un, ne pas se soucier de la personne venue pour aller vers un autre puis de se tourner vers nous public en nous incitant à donner: même si la cause est valorisante, si à l'origine d'une demande justifiée envers nous public, il n'y a pas respect de l'humain....nos dons serviront qui et quoi?  Comment aujourd'hui croire l'autre quand la parole se désengage instantanément et ne sait ni dire,ni poursuivre une relation dans une parole de face à face authentique...à jouer à cache-cahe avec le destin de tout un chacun, ne créons nous pas au quotidien un terrorisme souterrain et pervers????Je me pose ce matin cette question: ne sommes nous pas tous et toutes responsables du terrorisme? Comment l'enrayer en nous, et sortir de cette prison où l'humain ne s'associe plus au pardon instantané.....et développe la peur instantanée de soi et de l'autre?????

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Marie-France O'Leary
  • Journaliste à Radio Canada et collaboratrice pour diverses revues d'art, elle est l'auteur de poèmes, romans, pièces de théâtre publiés au Québec et en France (Cercle poche).Sculpteur de la parole, c’est une plume engagée, passionnée d’art et de création.
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