Repas traditionnel offert aux aînés de la commune de Saint-Saulge-Nièvre
Il est étrange de se retrouver aîné, c'est-à-dire celui ou celle qui a acquis une sagesse certaine grâce à son art de vivre et peut la transmettre. Est-ce cela, est-ce vraiment cela? Le Centre Communal d'Action Sociale nous offre un repas traditionnel de Noël. Je suis émue et à la fois interloquée.....j'ai un certain âge et en pénétrant dans la vaste salle à manger de notre Mairie, je rencontre mes consoeurs et mes confrères.Je suis reçue chaleureusement par notre Maire, Monsieur Bulin et par ses adjoints. Notre conseillère générale est également de la partie et souriante. La salle est agréablement décorée et les coloris des nappes enjolivent l'ambiance. Je suis à la table de Madame Josiane Deguilloux, notre conseillère artistique et je le lui dis, une grande artiste qui nous surprend par la qualité de sa peinture et par les thèmes naïfs choisis et peints avec un grand talent. Je n'imaginais pas dans les rues de Québec, oeuvrant pour le Québec Libre, c'était en 1959, bien avant notre cher général.. nous nous étions solidarisés pour défendre notre langue et notre culture....qu'un jour je serais âgée et qu'il y aurait plusieurs années entre ma naissance et aujourd'hui. Chacun ici a une histoire qu'il a traversé et je sens que tous et toutes nous partageons cet instant comme des retrouvailles avec l'histoire. C'est ce que soulignera notre Maire dans sa présentation des ainés de 1940--1941 et 1942, évoquant les évènements de cette période en guerre et des premiers bastions de la résistance. En effet je comprends que si je n'ai pas été invitée précédemment c'est parce que ma date de naissance ne correspondait pas à l'année. Et à ma table, je suis appellée:"la jeunette"...je souris. Je songe à maman et à son déjeuner d'ainés, une grande fête partagée à Montréal. Le temps d'hier et la mémoire qui se souvient de l'essentiel. Cet essentiel qui nous relie à notre destin et lui donne du sens. Chez nos amis amérindiens, l'ainé est en quelque sorte un oracle consulté et écouté pour son expérience et remercié. Si nous redonnions ce sens à la parole de l'aîné, ce respect dû non seulement à l'âge mais aussi à la traversée des épreuves et à une parole dite auprès des jeunes, y aurait-il autant de personnes malades? Je pense à mon ami Jean-Pierre Scant, comédien, metteur en scène, mon fidèle allié depuis cinquante ans manifestant ces jours derniers dans les rues de Montréal pour que notre Saint-Laurent ne soit pas pollué par un port de pétrole à Cacouna. Du pétrole découvert en Alberta et qui naviguerait sur notre beau fleuve, deuxième réserve d'eau au monde, j'en ai été si choquée que je n'en ai pas dormi. Jusqu'où et jusqu'à quand dénaturerons-nous notre planète? Notre Québec, notre si beau pays. Le déjeuner a été préparé par Patrice Guillot, cuisinier de l'hôtel des Légendes. Et dès l'amuse bouche accompagné d'un kir, nous nous régalons. Je revois la surprise de mes amis québécois lors de leur découverte de la cuisine française:"c'est bon, mais les français passent tellement de temps à table". eh oui le temps de la dégustation, des saveurs de l'aliment, de la sensualité de la préparation culinaire. Suit un foie gras en terrine et sa marmelade de figues. Bien sur accompagné d'un excellent Bordeaux. Entre chaque plat, nous faisons connaissance. Un aîné, accordéonniste de talent joue et nous l'applaudissons. Puis vient la dinde de Noël farcie pochée puis rôtie façon...les points de suspension et la souvenir de Lamartine:" Ô temps ! suspends ton vol, et vous, heures propices !Suspendez votre cours :Laissez-nous savourer les rapides délices Des plus beaux de nos jours !" A ma droite,mes voisines de table autrefois agricultrices échangent leurs savoirs tandis que nous sont offerts des fromages servis à l'assiette, accompagnés de verdure. Des convives dansent sur les airs proposés. Et la traditionnelle bûche de Noël est maintenant dans nos assiettes. Vin blanc, vin rouge, mousseux, digestif, café, nous sommes gâtés par la commune de Saint-Saulge et fusent les remerciements car au moment du départ, à chacun est remis une rose et un sachet de chocolats. La tradition est suivie, appréciée. "Il a cent ans" me dit ma voisine en pointant du doigt un monsieur qui se lève pour partir."Et poursuit-elle, il n'a pas voulu déménager dans la nouvelle maison de retraite, il est rentré chez lui."On vit âgé en pays nivernais et dans cette transmission culinaire, les uns et les autres retrouvent les premiers Noëls passés en famille et leurs coeurs d'enfants se rappellent des contes des uns,des chansons des autres et des blagues qui faisaient rire toute la tablée. Les anciens sont présents pour partager leur expérience et sont porteurs d'espoir dans leur amour de cette tradition qui dans chacun de nos continents, de Saint-Saulge en faisant le tour de notre planète est notre reliance à une humanité généreuse, fraternelle et solidaire.Un grand merci à la commune de Saint-Saulge et une mention spéciale pour la qualité du service.