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Marie-France O'Leary
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Marie-France O'Leary
3 avril 2014

Régine Deforges ou la liberté d'être

Un an de plus. Je vieillis et les rides ont un plaisir jouissif à sculpter ma peau de plus en plus. Le 26 mars de cette année pour mon anniversaire je suis à Paris où je donne une conférence au Forum 104.J'invite suite à ma causerie tout ce gentil monde à fêter au Café Littré rue de Vaugirard, vin et charcuterie, c'est bon, c'est joyeux.  Un ami me donne un cadeau, les Mémoires de Régine Deforges.  Je l'ai rencontrée au Salon des Dames de Nevers il y a quelques années.  Quand je m'approche d'elle, je marche sur la pointe des pieds.  Dans le département, je suis une exclue, un mari jaloux m'a dénoncé aux renseignements généraux et du jour au lendemain je suis stigmatisée: une secte. Je rase les murs, je me cache, je fume deux à trois paquets de cigarettes  le soir seule dans ma grande maison où chaque nuit j'ai droit aux visites gyrophare de la gendarmerie.  En revenant dans la Nièvre, dans le train je dévore l'enfant du 15 août et je n'ai pas de mots pour dire mon admiration de coeur et d'esprit pour cette dame rencontrée aux Salons des Dames de Nevers où je n'ai jamais mais jamais été invitée.  Les exclus d'une société élevée aux principes du bien et du mal, de la rigidité d'une morale asphyxiante car je suis écrivain.  Oh pas qu'écrivain..je suis une multiple d'énergies au service de l'humain, une marginale des années 68, année où Jean Vilar mettait à la porte d'Avignon le Living Theatre, année où nous tous les marginaux,nous avons cru qu'un espoir de société nouvelle naîtrait. Or ce nouveau, ce renouveau, en lisant les mémoires de Régine Deforges, je suis sous le charme: une grande dame, une femme qui permet à l'histoire et à notre histoire de garder l'espoir en notre humanité.  Je lui avais remis timidement mon livre "Liaisons Particulières" que venait de publier Gérard De Villiers.  En me recevant dans son bureau, ce dernier m'accueillait: "je salue en vous un auteur qui renouvelle l'érotisme."   Il m'avait téléphoné vers 22 heures l'avant veille, me disant que mon livre sur une pile de xxx manuscrits avait retenu son attention et qu'il désirait me publier.  Gérard De Villiers est un homme hors norme avec lequel j'ai toujours eus des relations aimables et vraies. Face à moi, je tiens à souligner qu'il a toujours respecté sa parole et est demeuré fidèle à son engagement.  Lorsque j'ai appris son décès, j'ai passé une journée solitaire, à la fois mélancolique, triste et reconnaissante pour la justesse de ses intuitions.  J'ai entrevu Régine Deforges à Nevers.  J'achetais l'Orage.  J'ai aimé.  Il y a des personnes qui vous soulèvent l'âme et vous permettent de retrouver le feu créateur qui alimente notre quotidien.  Régine je ne sais si nos pas se croiseront à nouveau mais ce soir de retour d'une lecture poétique où il m'a été dit qu'avec ce que j'écrivais, on ne pouvait pas me laisser seule avec son mari, j'ai pensé à vous, à votre vie et je tiens à vous dire qu'en vous lisant j'ai aimé être et partager l'aventure où je nous reconnais "femmes exploratrice de l'humain"..il y a parfois des regards qui se posent sur notre terre avec amour et vous avez cette folie du don à l'Amour..nous recroiserons-nous?  Je ne le sais mais j'aime dans mon coeur et dans mon âme votre soif du vivre.  Au revoir et bonne nuit...Marie-France O'Leary

Commentaires
A
Quelle synchronicité! Tu écris ce texte le jour de la mort de Régine.<br /> <br /> Vous vous recroiserez, mais ailleurs.<br /> <br /> Merci pour ce beau texte et d'oser être qui tu es.<br /> <br /> Aliette.
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Marie-France O'Leary
  • Journaliste à Radio Canada et collaboratrice pour diverses revues d'art, elle est l'auteur de poèmes, romans, pièces de théâtre publiés au Québec et en France (Cercle poche).Sculpteur de la parole, c’est une plume engagée, passionnée d’art et de création.
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