ces filles qui font pleurer leur mère ou la main rouge
Je suis place Beaubourg avec mon amie N. Le soleil est au rendez-vous et nous nous extasions devant les nouvelles collections de vêtements féminins, ne seraient-elles pas belles nos deux jeunes filles dans ces tenues printannières, les larmes dans les yeux, je réponds, je murmure oui, oui. Comment cela se passe-t-il? comment cela est-il arrivé ce silence avec refus de m'écouter moi la mère, celle qui t'enfante, te porte en son sein, t'allaite, te donne le meilleur d'elle-même, et soudain tu ne comprends plus rien, plus du tout, ce refus de la parole:"je ne te parle plus", ce refus de répondre à une demande, ce refus d'être simplement aimable, à l'écoute de l'autre, à l'écoute du don de la femme grâce à qui tu vis sur cette planète terre.....Il est long le fil d'Ariane qui du labyrinthe guide l'Etre vers la Lumière et les grottes obscures envahissent le coeur quand ton seul désir est d'aimer et d'être aimée.....Ces points de suspension du temps,"oh temps suspends ton vol, et vous heures propices, suspendez votre cours" écrivait il y a quelques siècles notre poète Lamartine". Ma mère était si différente et si loin de mes propres opinions mais j'ai senti dans ma chair ce lien qui au-delà des mots m'unit à elle et le plaisir qu'elle manifestait quand nous allions visiter la basilique de Vézelay. La parole crée du lien même dans les épousailles les plus obscures, les plus éloignées, elle crée du lien, de ce lien qui permet au verbe de s'incarner, de se manifester et de prendre la route. Il est sept heures du soir dans la Nièvre et avec mon ami Jean-Jacques, artiste peintre au reflet de ses nus masculins dont il est l'un des grands représentants actuels, nous prenons la voiture, nous roulons vers Paris..nous mettons quatre heures pour nous rendre au Sunset rue des Lombards écouter chanter ma fille, jeune femme, nous assistions à presque tous ses concerts, et nous rentrions dans la nuit endormis au volant, somnolents sur une aire d'autoroute, réveillés au café sans goût de la nuit parfois étoilée, parfois épaisse de brouillard et au retour dans notre campagne nous dégustions la soupe préparée avec amour par l'ami des folles équipées nocturnes. Nous nous réjouissions, nous aimions ses concerts et nous avions une joie rieuse à aller l'écouter. N. me confie...quand tu parles de ta fille et de ta peine ...je crois m'entendre. La mienne m'agresse sans que je sache pourquoi. Qu'ont-elles, oui où a débuté la rupture de sens pour qu'aucun dialogue ne soit possible? Est-ce pour ma part le jour où retrouvant un père absent, elle me raya de la place de mère en elle? Sur les trottoirs de Paris, le long du canal Saint-Martin, un ami me murmure: "le temps est si bref, si court, et qu'ont-ils tout à coup à te supprimer de la carte ceux que tu aimes, ceux à qui tu as tant et tant donné? Stoppons cela, sommes nous des êtres humains ou des robots déshumanisés?"..."Ce que nous font nos filles est inhumain, barbare, cruel...".cette absence de générosité spontanée parce que nous sommes des mamans hors normes qui éprouvons des émotions, les manifestons, devons-nous taire nos sentiments, ne pas leur dire que nous les aimons et que si nous ne nous comprenons pas, nous pouvons prendre un bâton de parole et commencer à nous écouter dans la différence de nos rythmes, ces blessures de mère qui font trembler la terre et l'inondent en épousant la souffrance d'une relation non charnelle mais projection très souvent de la blessure originelle de l'enfant maladroit à vivre sur notre planète son quotidien et à créer du beau?
Depiis cet instant, il y a maintenant plusieurs mois, j'ai la main gauiche, celle du coeur rouge, je suis brûlée et je brûle d'un feu qui ne s'apaise pas...Jeunes femmes qui faites pleurer vos mères ouvrez vos coeurs et du fond de vous apprenez à aimer la différence,à inventer un jeu de rôles, lâchez le passé, avez-vous oublié Loth qui regarde en arrière et devient une statue de sel...dansez, prenez vos mamans dans vos bras et sachez que leur amour est inconditionnel et de tous les temps...ne faites plus pleurer vos mamans, de grâce apprenez à les aimer telles qu'elles sont avec leur maladresse et leur don à la vie.
Marie-France O'Leary