Je ne réponds pas
Il est étrange ce phénomène de la non-réponse, téléphone, courrier, courriel, ce "je ne réponds pas". J'ai une correspondance amoureuse avec un ami écrivain, de très beaux mots, une pensée philosophique poétique, oui la philosophie poétique, l'inventivité d'un verbe joyeux, ludique, l'expression d'une sensualité corporelle, cela passe par le mot...puis un jour plus rien. Rien, le néant, le vide, je frappe à la porte, pas de réponses, ne m'avait-on pas dit enfant, frappez et l'on vous ouvrira, tous ces mots ont-ils double-sens selon qui les emploie et peut-être la définition grammaticale n'a pas le même sens pour les uns ou pour les autres, entre le Larousse ou le Petit Robert quel est donc le sens d'un mot, j'ouvre au hasard et je tombe sur le mot dindon:"grand oiseau de basse-cour, originaire d'Amérique, dont la tête et le cou, dépourvu de plumes, sont recouverts d'une membrane granuleuse, rouge violacé, avec caroncules rouges à la base des mandibules";dans un deuxième sens: "être le dindon de la farce:être la victime, la dupe dans une affaire." Je respire, je souffle, je suis dindon de la farce humaine, mon amoureux de passage a oublié le sens du mot "je pense à toi jour et nuit", en fait il a fui en Egypte, je n'ai pu m'y rendre, faute de chameaux en pays nivernais morvan, je suis très interrogative sur la valeur de la parole, je promets et je ne peux pas tenir parce que je suis reliée à un réseau de paroles sans racines, je m'engage et je me désengage, je blesse et j'en suis heureuse, cela c'est une autre histoire, je pense et je souris à cette associée tombée en amour avec le comédien maître en séduction d'une tournée intergalactique, qui laisse la cuisine avec la vaisselle non lavée et s'étonne que les rats lui mordent les chevilles et que ses fils partent à la guerre sous prétexte de défendre le pays...quelle époque entre les morts successifs de nos champs de bataille et le lien avec toutes ces paroles déracinées comme s'il nous fallait apprendre le sens de notre destin répétitif et répétant une histoire, identique à celle d'hier...je réouvre mon dictionnaire, toujours le hasard, le mot "omnivore", "qui mange de tout, qui se nourrit indifféremment d'aliments d'origine animale ou végétale, l'homme et le porc sont omnivores." Je crois que je commence à comprendre, l'homme se nourrit dans l'indifférence de ses aliments et aussitôt avalés les recrache dans le gosier de son voisin, ogre de sa descendance, oublieux de digérer le temps de son passage avec les autres, je ne te réponds pas, tu devrais comprendre que tu n'existes pas et ne pas m'importuner, "malgré l'intérêt que nous portons à votre roman, il n'entre dans aucune de nos collections", je n'entre dans aucune collection de ces paroles déracinées d'un corps à corps, et c'est cela nos blessures, la dissociation entre la pensée et le corps, entre le mot et l'acte...combien de morts y aura-t-il aujourd'hui? Nelson Mandéla eut une parole, a une parole mais combien sur notre planète à incarner la vie et à se solidariser du entre nous vivons et aimons l'instant de la découverte...je suis blessée ce matin, j'ai mal de cet amoureux itinérant, de cette associée sans paroles, du silence de mon éditeur, par cette indifférence de l'homme envers l'homme, je suis très choquée, oui je suis en état de choc et je ne peux que prier pour ma gratitude envers des êtres de la générosité humaine tel Nelson Mandéla, paix à son âme, paix à nos âmes.....bonjour comment vas-tu toi qui me lis?